RECHERCHE EN ADOPTION
Les enfants adoptés tardent à bien décoder les émotions des autres
…Mais nous pouvons les aider à faire mieux.
Tarullo, A. R., A. Youssef, et al. (2016). Emotion understanding, parent mental state language, and behavior problems in internationally adopted children. » Development and Psychopathology 28(2): 371-383.
Résultats intéressants dans cette étude bostonienne réalisée dans un département de psychologie et des sciences du cerveau avec quelques enfants adoptés à l’international avant l’âge de 18 mois.
Le fait de pouvoir forger l’état d’esprit des enfants sur les émotions à 3 ans, avec l’aide de photographies, de visages en tissus, de figurines ou de marionnettes est directement relié à leur capacité de pouvoir deviner les émotions des autres vers l’âge de 5 ans et demi, à la maternelle par exemple.
Autrement dit, ce dont on se doutait, fonctionne dans la réalité.
Un parent adoptif qui prend le temps d’identifier pour son enfant des sentiments de colère ou de tristesse sur des personnages, dans un moment d’intimité ou de proximité physique, améliore les capacités de sa progéniture à bien comprendre le langage des autres plus de deux ans plus tard.
Le fait de mieux pouvoir lire dans la tête des autres, notamment des petits amis, améliore ainsi les bons comportements des enfants et diminue leurs risques de présenter des comportements intériorisés, comme l’anxiété, ou extériorisés, comme les coups et les claques.
Également, la recherche rapporte malheureusement ce qui se vérifie souvent en clinique : les enfants adoptés parvenus à leurs 5 ans et demi sont souvent moins compétents que d’autres pour bien lire et comprendre les émotions des autres, ce qui explique en partie leurs comportements et leurs conduites parfois dérégulées.
À noter que ces trouvailles sont indépendantes du niveau de langage de l’enfant. Autrement dit, il s’agit bien pour cette population adoptive d’une fragilité à décoder les émotions, sans lien avec les retards, les troubles de langage et l’apprentissage d’une nouvelle langue.
Clairement, et c’est la belle nouvelle, les parents attentifs, capables de surligner ce qui est un personnage content ou un personnage effrayé dans les histoires qu’ils mettent en scène sont sur la bonne voie : ils aident leurs enfants à mieux déchiffrer les autres, puis, conséquemment, ils préviennent leurs moins bons comportements les années d’ensuite.
On peut également trouver ici de beaux arguments pour prolonger les classes maternelles des enfants préalablement mal-aimés, mal léchés ou insécurisés par leur trajectoire de vie. Dans le prolongement de l’investissement parental, l’école maternelle prépare l’enfant à interagir avec l’autre.
Trop d’enfants adoptés ou prématurés ou insécurisés sont exposés trop précocement à une école primaire dont ils ne peuvent pas profiter pleinement. Ils épuisent leurs professeurs, puis leurs parents au retour de leur journée. On les juge immature, surtout s’ils sont garçons, alors qu’ils ne sont simplement pas encore prêt pour du forçage académique. Ils ne sont pas encore suffisamment intégrés.
Nos sociétés ont tendance à accélérer le déroulement de l’enfance.
La science nous rappelle qu’il faut leur retrouver du temps.
Jean-Francois Chicoine MD Pédiatre
Le monde est ailleurs, 5 juin 2016